dimanche 25 septembre 2011

Et si c'était " comme ça " qu'ils apprenaient ... à lire !!!

Vers une pédagogie fonctionnelle de la lecture.
    A l'aube de chaque jour, naît un nouveau progrès scientifique. Au milieu de ce bouillonnement, la pédagogie devrait rester définitivement amorphe - inerte - figée ... POURQUOI ?
Un autre regard posé sur l'enfant et son apprentissage.
    Plus un enfant semble en difficulté plus le pédagogue doit être attentif au caractère vraiment fonctionnel des situations d'apprentissage. On n'aide pas un tétard à devenir grenouille en lui coupant la queue ...
    A tous ceux avec qui j'ai eu la chance d'enseigner et plus particulièrement Ghislaine, Isabelle, Brigitte, Colette, Bernadette.
    A tous ceux qui, comme moi, étaient en recherche et avec qui j'ai pu partager mes craintes, mes doutes et mes certitudes. Je ne peux oublier les bons moments de réflexion passés ensemble dans mon établissement scolaire. Je m'en voudrais de ne pas citer : Monsieur l'Inspecteur Pottier et tous ses enseignants, Monsieur l'Inspecteur général de la Communauté française de Belgique, Monsieur le Directeur général de l'enseignement de le ville de Paris, Monsieur le Directeur de l'Ecole normale de la ville de Laon, les enseignants hongrois et polonais et tous ceux dont je ne sais pas ici, faute de place, mentionner le nom.
    A Boris, Aude, Nicolas, Florence et tous les autres qui se sont pleinement épanouis au contact de cette approche.
    Ne doutez jamais qu'un petit groupe de personnes engagées et motivées peut changer le monde; en fait, c'est même la seule chose qui y soit jamais arrivée. ( Margaret Mead - voir catégorie Pour bien démarrer ).
HIER ...
    Traditionnellement, dans les écoles, en matière d'apprentissage de la lecture on rencontre deux grands courants :
      le courant synthétique (du détail à la synthèse, au tout) représenté par les  méthodes alphabétique, syllabique, phonétique, gestuelle.
      le courant analytique (de la synthèse, du tout aux détails) qui s'actualise dans la méthode globale et la méthode naturelle qui ne se différencient que par l'origine des écrits proposés aux enfants (phrases ou textes)
          EX. : Tobi dîne d'une panade tiède. ( Am Stram Gram - MDI).
                  L'araignée a marché sur le banc de Luc.
                  René va à Ninove avec Ninive.
      des méthodes mixtes intégrant ou amalgamant, de manière plus ou moins heureuse, ces deux grands courants se rencontrent aussi très souvent.
Classification des méthodes les plus connues.
    Méthodes visuo-phonético-idéelles : objectif : le Code d'abord .... ensuite la LECTURE.
    Pas de support intermédiaire : méthode globale, méthode naturelle encore appelées syllabiques ou analytiques;
    Utilisation momentanée d'un support aidant à la mémorisation des couples " graphème - phonème ".
      Gestes : méthode Borel-Maisonny, Jean-qui-rit, Jeannot ....
      Alphabet transitoire : méthode Le Sablier ....
      Dessins, supports divers : méthode Inizan, Cohen, méthodes mixtes ...
          Graphème : élément de représentation de la parole par l'écrit.
          Phonème : plus petite unité linguistique (de son) dépourvue de sens.
    Ces "méthodes" reposent toutes sur une même définition de l'acte de lecture à savoir la capacité de prendre connaissance d'un contenu en identifiant les lettres et en les assemblant.
    Tout se passe comme si les enfants n'étaient pas " présents" dans leur lecture, avec leur intelligence et leur faculté de raisonner, comme si leur lecture était vide, conduite de façon mécanique, sans recherche d'un sens.
    La consultation des dictionnaires est édifiante à cet égard :
        Petit Robert : lire : suivre des yeux en identifiant des caractères, une écriture.
        Dictionnaire français contemporain: lire : identifier des lettres et les assembler pour comprendre le lien qui existe entre ce qui est écrit et la parole.
        Dans l'acception scolaire : lire : maîtriser les règles d'un système de correspondance écrit - oral ce qui ajoute un autre point de convergence.
    L'objectif visé est dans tous les cas l'acquisition par l'apprenti-lecteur de la combinatoire du "mécanisme de la lecture" qui peut, seule, conduire à la maîtrise du savoir-lire.
Combinatoire : relatif aux combinaisons et plus spécifiquement aux combinaisons entre un graphème et un phonème.
    Ces méthodes qui privilégient la maîtrise du code, c'est-à-dire la combinatoire en vue de dégager la compréhension par déchiffrage et oralisation favorisent donc la lecture oralisée. Les objectifs sont successifs :
          1. D'abord déchiffrer.
          2. Ensuite accélérer le déchiffrement pour lire.
 
          3. Enfin avoir accès au plaisir.
Parmi ces méthodes, nous envisagerons :
    Celles qui n'utilisent pas de support pour l'étude systématique des lettres, des syllabes : ce sont les méthodes alphabétiques ou syllabiques traditionnelles.
         EX. : la bru - le broc - le buis ou encore al - ol - ul .....
    Celles qui utilisent un support momentané pour favoriser la mémorisation et l'oralisation des couples "graphème - phonème" et leurs combinaisons :
    Les plus connues sont dites gestuelles. En effet, le geste limité à la main, ou au bras, tantôt mobilisant tout le corps (méthode Jeannot) stimule le découpage visuel et sert de soutien à la mémorisation de la combinatoire. Les méthodes dites Borel-Maisonny et Jean-qui-rit sont bien connues.
         EX. : 1ère leçon : Riri rame .... Il n'y a pas que lui qui rame !!!
    Un autre moyen original a été imaginé pour aider cette fastidieuse et capricieuse mémorisation. Il s'agit du support d'un alphabet phonétique transitoire qui pallie assez bien les nombreuses irrégularités de la correspondance "graphème - phonème". Cependant, les mots phonétiques étant rares en français, l'application systématique de le technique de déchiffrage n'est pas suffisante pour parvenir à la maîtrise de la lecture. La méthode "Le Sablier" s'insère dans cette catégorie et remporte un grand succès au Canada. Elle accorde une grande importance à l'épellation phonétique qui serait la clé du succès.
    D'autres méthodes enfin utilisent des supports divers :
            le dessin qui représente chaque lettre de façon picturale.
            le contexte, le sens donc, pour découvrir les associations comme l'utilise Inizan dans sa méthode dite des "27 phrases pour apprendre à lire". Mais l'objectif est clair, c'est le code qui doit être impérativement maîtrisé.
Réflexions :
    Est-on nécessairement bon musicien quand on connaît toutes les notes et tous les signes musicaux ?
    Est-on obligatoirement "Champion olympique" de judo quand on connaît tous les mouvements et toutes les prises ?
    Mais précisément, ce comportement mécanique, inintelligent, monté à travers des syllabes sans signification, une combinatoire de lettres et de sons parfaitement abstraite, ou la fragilité des "phrases  clés" ne peut-il être jugé fortement responsable des résultats ?
 Et les résultats ... étonnamment stables !!!
    Malgré le renouvellement permanent des méthodes, des procédés, malgré l'apparition de nouvelles techniques, malgré la diffusion de manuels plus attrayants les uns que les autres, les résultats de l'enseignement de la lecture restent particulièrement stables au fil des ans.
    Les statistiques officielles montrent que près de la moitié des élèves de première année primaire éprouvent les plus grosses difficultés dès qu'ils abordent l'apprentissage de la lecture, difficultés que bon nombre d'entre eux ne surmonteront jamais tout à fait.
    Une enquête réalisée en 2002 met en évidence le fait que l'échec scolaire frappe, en Belgique francophone, 14 % de la population fréquentant la première primaire. A lui seul, ce nombre suffit à indiquer l'origine au moins en partie institutionnelle de l'échec : il n'est guère possible d'accepter que cette partie importante des jeunes francophones soient jugés incapables d'accomplir la première primaire sans s'interroger sur l'école elle-même et sa capacité d'adaptation à l'hétérogénéité et d'ajouter avec W.M. Birbaum la réflexion suivante : "Si chacun peut et doit être éduqué, alors le système d'éducation qui provoque des échecs est lui-même en échec".
    Une autre enquête réalisée en 1994 par Marcel Crahay dans toutes les écoles de la Communauté française de Belgique montre que :
1.  Seulement 54 % des enfants de 12 ans atteignent un niveau suffisant lorsqu'il s'agit de lire à la vitesse de la parole.
2.  Si le taux de réussite aux questions littérales est satisfaisant (85 %), il n'en va pas de même pour les questions inférentielles (62 % de réussite). Beaucoup d'enfants de ce niveau font preuve d'une compréhension superficielle et mécanique des textes fondant leur démarche sur des stratégies de lecture peu diversifiées.
    Marcel Crahay, docteur en Sciences de l'Education et chercheur belge travaillant désormais à l'Université de Genève,
est l'un des plus fins connaisseurs des systèmes d'éducation et des paramètres qui jouent dans la réussite des élèves. Ses ouvrages "L'école peut-elle être juste et efficace - De Boeck - 2000" et "Peut-on lutter contre l'échec scolaire - De Boeck  1997 " sont des mines pour comprendre ce qui peut rendre l'école inégalitaire, malgré les déclarations de bonnes intentions.
    Ces observations viennent confirmer l'enquête internationale menée en 1991 auprès d'élèves de 9-14 ans dans notre pays et dans une trentaine d'autres. Il en ressort que la majorité des enfants de la Comunauté française de Belgique répondent correctement à des questions dont la réponse se trouve littéralement dans le texte ou à des questions portant sur des détails. En revanche, ils se montrent souvent incapables de répondre à des questions faisant appel à une compréhension plus fine et plus élaborée du texte.
    Une autre recherche menée par Alain Bentolila met en exergue les drames bien connus que représentent l'analphabétisme et l'illetrisme.
1.  L'analphabétisme, toutes enquêtes confondues, est devenu exceptionnel et touche 1 % de la population dans notre pays et partout ailleurs. Aujourd'hui l'UNESCO va plus loin et estime la population potentielle d'analphabètes à un demi-million en Belgique et à quatre millions en France. Le même organisme souligne par ailleurs le fait que sur notre planète vivraient, en dehors de toute relation avec l'écrit, un millard d'êtres humains âgés de 15 ans et plus.
 L'illettrisme est plus important encore parce qu'il frappe 8 % de la population ainsi, la Belgique compterait huit cents mille illettrés et la France quatre millions !!!
       analphabétisme : situation de celui qui n'a jamais su lire et écrire.
       illettrisme : situation de celui qui a perdu la pratique du lire et de l'écrire et qui éprouve de sérieuses difficultés.
    Alain Bentolila est un linguiste français né le 21 avril 1949. Auteur

d'une vingtaine d'ouvrages concernant notamment l'illettrisme des jeunes adultes et l'apprentissage de la lecture et du langage chez l'enfant, il est profeseur de linguistique à l'Université Paris Descartes. Il a d'abord travaillé sur des langues "exotiques" ce qui l'a amené à diriger les campagnes nationales d'alphabétisation en Haïti et en Equateur (1978-1985). Dès 1980, ses recherches se sont étendues aux questions relatives à la maîtrise de la langue orale et écrite chez les élèves de l'école primaire et les jeunes adultes. Il a créé et dirige l'équipe de recherche technologique en éducation centrée sur l'échec scolaire et l'illettrisme. Depuis 1997, il dirige les recherches sur la mesure et les causes de l'illettrisme en France. Il est conseiller scientifique de l'observatoire national de la lecture depuis 1997 et conseiller scientifique de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme. Il a obtenu en 1997 un grand prix de l'Académie française pour son livre " De l'illettrisme en général et de l'école en particulier".
    In fine, au terme de la scolarité obligatoire, on dénombre beaucoup trop de liseurs par rapport aux lecteurs accomplis. Au Canada, le taux de liseurs est de 24 %, en France 22 % et en Communauté française de Belgique, 26 %. ( Enquête du journal Le Soir, septembre 1992).
       liseur : aptitude à reconnaître les signes graphiques, à les assembler, à déchiffrer des mots et même un message.
    Dans la majorité des cas, "les liseurs" comprennent assez bien ce qu'ils lisent pour autant qu'ils s'appliquent et que le texte se situe dans leur univers culturel mais ils n'en éprouvent jamais pour autant le besoin, le désir de lire qui habite les vrais lecteurs. Pour eux, lire est une activité imposée par les circonstances ou une activité scolaire.
    Et cependant, nous croyons savoir que l'instruction est obligatoire, dans notre pays, depuis bientôt un siècle !!!! Quels résultats donnera cet échec de l'enseignement d'ici quelques années ??
    Ce lamentable constat d'échec ne peut être imputé à de prétendues "nouvelles méthodes" que l'opinion publique rend volontiers responsables de tout. En effet, dans quatre-vingts pour cent des classes de première année primaire les titulaires utilisent des méthodes traditionnelles d'enseignement de la lecture.
    Nous ajouterons encore que ce délicat problème de l'apprentissage de la lecture n'est pas neuf. Déjà le 4 mars 1882, en séance publique de la Commission d'Enquête Scolaire, Monsieur Germain, directeur général de l'enseignement primaire belge déclarait : "Je veux, pour ma part, que l'enfant, dès le début de ses études soit persuadé qu'il faut absolument ne lire que ce que l'on comprend ou du moins s'efforcer de comprendre tout ce que l'on lit. Il y a des écoles où l'on ne s'occupe pas de faire comprendre le texte des lectures".
    Et apparemment, cela n'a pas beaucoup changé !!!
    Il est aussi permis de se demander si on peut attribuer à des caractéristiques personnelles un échec qui se révèle massif, à moins de conclure que les tiers des enfants sont des inadaptés.
    Et si l'école avait aussi sa part de responsabilité ??
    Quand dans un pays l'échec scolaire touche de 14 à 19 % de la population scolaire inscrite en première primaire, on ne peut en conclure que les règlements sont bien établis et que les élèves sont des cancres. Bien plus, on doit se demander si ce mode de faire ne met pas en péril le fonctionnement même de l'économie du pays et si la passivité des parents durera sans que jamais il n'y ait de réaction.
Yvan Tourneur, dans la recherche qu'il a effectuée, a mis en évidence de façon aussi précise que possible les dysfonctionnements du système scolaire qui peuvent expliquer le taux d'échecs importants enregistrés dans l'enseignement primaire francophone. Une analyse des statistiques officielles révèle l'ampleur et la gravité du retard scolaire dans l'enseignement francophone. Par exemple, près d'un élève sur deux est condamné à redoubler au moins une fois une année entière ; l'ensemble des retards s'élevait dans l'absolu à 177.000 années pour les seuls élèves inscrits en 1974 - 1975 dans les écoles primaires francophones. Cette étude met en lumière des lacunes importantes dans le fonctionnement de l'école primaire, qui peuvent être tenues pour responsables, du moins partiellement, des très nombreux échecs, redoublements et abandons.
    Yvan Tourneur était Professeur ordinaire à l'Université de Mons Hainaut. Spécialiste de l'évaluation envisagée comme élément clé d'une gestion moderne de l'innovation pédagogique, il a effectué de nombreuses recherches et produit de nombreux articles tous relatifs à ce sujet. Yvan Tourneur est une référence européenne en matière d'évaluation.
    Alain Bentolila insiste davantage encore sur l'aspect catastrophique des résultats lorsqu'il écrit : "Une évaluation réalisée en 1995 sur 5000 enfants montre que près de 18 % des élèves ne maîtrisent pas convenablement les mécanismes fondamentaux de la lecture. Plus de la moitié de ces élèves a atteint le cycle 3 avec un ou deux ans de retard contre moins de 6 % pour les enfants bons lecteurs ; les redoublements n'ont donc rien arrangé, leur répétition n'aurait vraisemblablement apporté aucune solution satisfaisante.
    En CM2 (5ème primaire), 19 % des élèves sont en difficulté moyenne et plus de 10 % en situation de profonde détresse. Pour ces déjà-échoués-du-système, l'identification des mots est loin d'être automatisée ; leur vocabulaire est extrêmement pauvre. Ils n'ont aucune conscience de la diversité des types de textes et sont évidemment incapables d'adapter leur lecture aux exigences spécifiques d'un texte narratif ou d'un énoncé de mathématique.
    L'école primaire les a maintenus en survie sans vraiment parvenir à les remettre à niveau ; le collège les achève. Il y a là comme une espèce de scandale".
    Malheureusement, les parents ont eux-mêmes été conditionnés par le système scolaire ; il arrive même que là où l'école cherche à innover, elle se heurte à la résistance des aînés qui comprennent mal pourquoi ce qui était valable pour eux ne s'appliquerait pas à leurs enfants. ( voir "pourquoi changer" dans la rubrique général).
    Un bilan aussi négatif justifie amplement une réflexion approfondie libre de tout à priori, sur les causes réelles de cet échec patent de l'école.
A QUOI ATTRIBUER CET ECHEC MASSIF DE L'ECOLE ??
    Tenter d'expliquer, comme on le fait, les difficultés d'apprentissage et l'inappétence ultérieure pour la lecture par la dyslexie et ou le handicap socio-culturel participe, trop souvent, d'une volonté inconsciente d'évacuer le problème.
    Sans vouloir minimiser outre mesure les difficultés inhérentes à l'apprenti et à son milieu, de très nombreuses études menées au cours de la dernière décennie tendent à prouver que les pédagogies actuellement à l'honneur ont une responsabilité non négligeable dans le phénomène de désaffection mis en évidence par les enquêtes.
Vue raisonné sur les théories traditionnelles de la lecture.
    Les recherches scientifiques actuelles sur "l'activité lexique" du lecteur rapide ainsi que les progrès récents de la psycho-linguistique permettent d'affirmer dès à présent que nombre d'idées vénérables à poropos de l'apprentissage de la lecture ne peuvent plus être soutenues sérieusement. Ainsi en est-il du déchiffrement oralisant et de la nécessaire médiation de l'oral ?
Le déchiffrement oralisant.
    L'acte de lecture comprendrait donc une identification des signes de l'écrit et leur assemblage en syllabes oralisées par l'apprenti-lecteur.
    Dans cette hypothèse on pourrait penser que l'oeil balaie la ligne et perçoit successivement chacune des lettre la composant.
    OR, Emile Javal en 1906 et Jean Foucambert en 1976 ont démontré que l'oeil du lecteur se déplace par bonds rapides entrecoupés de brèves fixations. C'est au cours de ces fixations (1/3 à 1/4 de seconde), et à ce moment seulement, que l'oeil enregistre un certain nombre de signes dont la quantité varie avec le lecteur. C'est ce qui différencie les lecteurs rapides des autres.
Comme la durée de ces arrêts est la même pour tous, force est bien d'admettre que les signes ne sont pas identifiés successivement mais perçus globalement dans des ensembles égaux ou supérieurs aux mots et qui ne coïncident pas nécessairement avec eux.
On sait aujourd'hui que la maîtrise de la lecture dépend e à l'Académie de médecine. In grande partie de l'étendue du champ perceptif ou " empan visuel ". C'est lui qui est responsable à la fois de la vitesse et de l'efficacité de la lecture
    Emile Javal, scientifique humaniste, est un médecin français né le 5 mai 1839 et décédé le 20 janvier 1907 à Paris.
Il fait ses études au lycée Bonaparte aujourd'hui Condorcet à Paris. Dans l'espoir de guérir sa soeur cadette atteinte d'un fort strabisme, il décide d'entreprendre des études de médecine et de se spécialiser en ophtalmologie. Il devient un ophtalmologiste très en vue. Il invente l'ophtalmomètre et l'iconoscope et dirige jusqu'en 1898 le laboratoire d'ophtalmoloscopie de la Sorbonne. En 1885, il est élu à l'Académie de médecine. Il est chevalier puis officier de la Légion d'honneur. Il a posé les bases de la physiologie de la lecture et de l'écriture qu'une commission ministérielle le charge d'étudier en 1884.

   Inspecteur départemental de l'Education nationale  française, chercheur à l'Institut national de la recherche pédagogique et animateur de l'Association française pour la lecture, Jean Foucambert est engagé depuis de nombreuses années dans une démarche militante pour rénover en profondeur la pédagogie de la lecture.
Ses travaux concernent essentiellement les premiers apprentissages et ses ouvrages visent prioritairement les maîtres de l'enseignement élémentaire qui souhaitent repenser leur enseignement, mais aussi les étudiants, futurs professeurs des écoles. Il jette un regard très critique sur les pratiques habitulles d'enseignement de la lecture qui pénaliseraient tout enfant et handicaperaient gravement dès le départ ceux qui ne bénéficient pas au quotidien d'un horizon significatif de lecture. Il dénonce vigoureusement l'hypothèse qui voudrait que l'enfant conquière l'écrit à partir de l'oral. Il dénonce ainsi la confusion qui domine dans la plupart des didactiques de la lecture entre apprentissage de la lecture d'une part et apprentissages des correspondances entre l'oral et l'écrit d'autre part. Pour lui, lire, ce n'est pas oraliser, mais c'est comprendre ... avec les yeux, pourrait-on dire.
    empan visuel : ampleur du champ couvert à chaque fixation oculaire c'est-à-dire le nombre de signes perçus en une seule fixation de l'oeil. Plus ce champ est étendu, plus vite les yeux sont au bas de la page car le nombre de signes perçus en une seule fixation est important.
    Chez l'humain, l'oeil bouge naturellement 4 ou 5 fois par seconde. De plus lorsqu'un mouvement saccadé de l'oeil est amorcé il aboutit à l'endroit prévu sans qu'aucune correction de trajectoire ne soit appliquée : le mouvement est balistique c'est-à-dire qu'il ressemble à celui d'une balle qu'on vient de lancer : dès que la balle quitte la main, il n'y a plus rien à faire pour modifier sa trajectoire.
    D'où le rôle néfaste du doigt qui suit la lecture et qui contrarie les déplacements de l'oeil et qui multiplie les points de fixation.
    On ne connaît pas encore dans tous ses détails le mécanisme nerveux qui sert à déterminer et à contrôler la position des yeux. Les étapes finales de la chaîne       d'événements qui mènent aux mouvements saccadés des yeux semblent associés aux régions antérieures du cerveau : les aires visuelles frontales.
    Cependant, pour la plupart, les mouvements des yeux semblent être le résultat d'un échantillonnage systématique de l'information du milieu, basé sur une interprétation significative des données sensorielles. Même durant le sommeil, il se produit des saccades. Depuis bien des années, le principal indicateur des périodes de rêve dans l'étude du sommeil est le mouvement saccadé de l'oeil. Les rêves s'accompagnent en effet de mouvements oculaires rapides.
    Par conséquent, les pratiques scolaires qui imposent une identification de chacune des lettres de l'écrit n'entraînent pas à la lecture mais à une activité purement scolaire dont l'enfant devra nécessairement se débarrasser un jour.
    La question qui se pose maintenant est de savoir si le déchiffrement oral facilite la compréhension lorsque l'appréhension directe est impossible ou entravée. Qu'il soit oralisé ou non, le déchiffrement suppose que le lecteur maîtrise suffisamment les règles de la correspondance grapho-phonétique c'est-à-dire "la combinatoire" à laquelle le monde enseignant fait constamment référence.
    Malheureusement, la linguistique nous apprend que cette correspondance est d'une fiabilité des plus contestables : il n'y a pas de relation bi-univoque entre les sons et les lettres qu'on pense aux différentes graphies de [è] : è, ê, ai, ais, ait, aient, et, est, es ; aux différentes prononciations de [X] : [ks] (taxi), [S] (six).
 De plus, les règles de la fusion syllabique sont innombrables et aberrantes : ennemi opposé à ennui
    On pourrait multiplier les exemples. Chaque fois, la conclusion serait la même : le déchiffrement ne permet pas la compréhension mais c'est la compréhension qui conditionne le déchiffrement ... on ne peut produire les sons, ce qui n'est d'ailleurs pas nécessaire, qu'après avoir lu et compris le sens.
    EX. : Voici la lettre "a" ; voici la lettre "u". Si je les combine pour former le son [AU] où l'enfant perçoit-il encore "a" et "u" qu'il a appris précédemment avec beaucoup de peine et de nombreux exercices tous plus inutiles les uns que les autres ?
    Mais diront certains, le déchiffrement reste un passage obligé pour l'enfant qui ne sait pas encore lire. Pareille affirmation cache mal la faiblesse des pédagogies fondées sur la tradition et le bon sens.
    En effet, pour bien réussir l'opération qui consiste pour l'enfant à détacher dans un mot les groupes de lettres qui correspondent aux phonèmes, à prononcer ces phonèmes, à rapprocher la suite de sons ainsi entendus d'une forme orale connue parmi toutes celles qui lui ressemblent, et ne pas, en ayant tout cela avoir oublié les mots précédents qui ont, eux aussi, été compris par ce processus il faut un fameux entraînement et des qualités d'âme étonnantes.
    Cette triple prouesse perceptive, langagière, mentale exigée des enfants et qui n'est pas la lecture est sans doute la cause principale des difficultés rencontrées par les enfants de première année.
    Mais il est vrai que cette organisation se planifie sur la semaine, le mois, le trimestre, l'année scolaire. Elle est très sécurisante non seulement pour les formateurs mais surtout pour de nombreux parents assoiffés de résultats rapides, prétentieux même. Et pourtant ... n'est pas lecteur celui qui déchiffre comme n'est pas musicien celui qui reconnaît les notes et autres signes musicaux !!
    De même qui oserait prétendre, parce que un nageur a franchi seul une traversée de bassin, qu'il est dès lors capable de flotter en mer, comme dans une rivière, de sauver un homme de la noyade ou de nager tout habillé ... Un savoir-faire aussi complexe que la lecture exige en effet un long perfectionnement.
Il faut l'indispensable médiation de l'oral !!
    Cependant l'observation quelque peu attentive montre que l'enfant qui a oralisé péniblement [WA]  [WA] [ZO] non [ZO] est bien en peine de répéter [WAZO] en un seul groupe de souffle, en une seule fois comme le lui demande le formateur. Très souvent, il devra se reprendre à plusieurs reprises avant de parvenir à lier les deux syllabes.
    A-t-il reconnu le mot "oiseau" ?
    Ce n'est pas aussuré car à l'oral, tant à l'émission qu'à la réception, il n'a jamais entendu [WAZO] !! En effet, ce mot à l'oral n'a pas d'existence propre mais se trouve intégré dans des ensembles plus larges : un oiseau, des oiseaux, un petit oiseau ou encore l'oiseau.
    Ainsi, croire qu'une lecture oralisée de plus en plus accélérée, de plus en plus courante doit amener l'enfant à une intelligence de plus en plus grande de l'écrit relève de l'utopie pédagogique. L'essentiel n'étant pas de lire vite, mais de maîtriser la vitesse de lecture afin de la moduler à son aise, en fonction des projets qui la motivent, on soulignera encore une fois le rôle néfaste d'une lecture constamment oralisée en classe qui freine les bons lecteurs tout en n'aidant pas les autres. De plus, l'habitude d'oraliser en lisant à pour effet de restreindre le champ perceptif, puisque l'oeil, ralenti par la parole, limite sa perception aux signes qu'il faut immédiatement prononcer. Un apprentissage par oralisation est donc le plus mauvais démarrage qui se puisse concevoir.
    Est-ce à dire pour autant qu'il faille condamner la lecture à haute voix ? Non, certainement pas. Encore conviendrait-il de s'entendre sur le terme.
    La lecture authentique est silencieuse : elle consiste à passer directement de l'écrit à la signification. Donc lire est essentiellement une activité idéographique. C'est vrai pour l'adulte entraîné, c'est vrai également pour l'enfant à condition que son apprentissage ne soit pas contrarié par des pratiques scolaires inadéquates.
    Lire à haute voix, en dehors du cadre scolaire, c'est lire pour autrui. C'est en fait une activité de communication orale dont le référent est un texte écrit qui subit pour être communicable un transfomation d'oralisation.
    EX. On ne lit pas de la même manière un sketch de D.Boon et une recette de cuisine !!!
           Alain Bentolila donne aussi l'exemple suivant : " Imginons qu'on lise un énoncé de mathématiques de la même façon dont on lirait un conte merveilleux : on aurait peu de chance d'en découvrir la solution ".
    D'autre part, il n'y a pas de synchronisme entre la lecture silencieuse du texte et sa communication, l'oeil étant toujours en avance sur l'expression. Sinon, comment expliquer qu'en présence d'une phrase comme : " Tu ne viendras pas ce soir ? ", le lecteur puisse dès le début de son énoncé entamer l'intonation caractéristique de l'interrogation ?
    La lecture à haute voix est donc une activité complexe dont la maîtrise exige un long entraînement. Elle n'est en aucune manière le stade final d'une évolution lecture syllabique - lecture courante - lecture expressive. Elle ne s'acquiert vraiment que lorsque l'apprenti a rompu avec les pesanteurs de la pédagogie traditionnelle. La lecture travaille sur un symbolisme direct, elle est la saisie immédiate d'une signification dans l'écrit. Le lecteur tire une signification de ce qu'il voit et non d'une transformation de ce qu'il voit !! La lecture à haute voix n'est donc pas une étape vers la lecture silencieuse ; elle est un stade plus élaboré qui suppose déjà une parfaite maîtrise de la lecture. La lecture à haute voix ne permet pas d'apprendre à lire : elle implique qu'on sait lire !!! Il importe donc de ne jamais laisser l'enfant oraliser, même très tôt, mais toujours l'inviter à comprendre avant de dire, et à ne dire que ce qu'il a compris.
    En synthèse partielle, nous dirons d'abord que les méthodes axées sur la maîtrise du code, même pendant une période relativement courte pour certains écoliers, assurent le mécanisme de délettrement puis c'est souvent à l'enfant seul de devenir lecteur. On devine quels sont ceux qui y parviennent le plus rapidement. Mais que d'efforts il faudra faire par la suite pour effacer tant en lecture qu'en orthographe des comportements néfastes qui nuisent à l'efficacité !! Même dans le domaine de la technique, des habitudes contraires ont été prises que beaucoup d'enfants et d'adolescents ne parviendront jamais à supprimer .....
    A ce moment de notre réflexion, deux questions, essentielles à nos yeux, nous interpellent :
      1. Le déchiffrement facilite-t-il la compréhension ? ... pas de relation entre sons et lettres .... règles de fusion syllabique aberrantes ..... donc , le déchiffrement ne permet pas la compréhension mais c'est la compréhension qui permet le déchiffrement.
      2. L'oralisation de plus en plus rapide permet-elle la compréhension ? .... l'oralisation d'un mot seul est une utopie car tant à l'émission qu'à la réception, un mot n'est jamais seul dans notre langue .... Oraliser est un acte de communication qui nécessite une transformation .... donc, l'oralisation ne permet pas la compréhension mais c'est la compréhension qui permet l'oralisation.
    Finalement, que faut-il penser des attitudes fonctionnelles de lecture qui ne sont jamais exercées ?
    Si ce qu'on apprend n'est jamais mis en " situation vraie " et " sans aide ", le savoir reste fragile. C'est là, nous semble-t-il, une raison importante de l'échec des pratiques traditionnelles ; ne vivant que d'exercices ou au plus de situations simulées, l'apprentissage ne peut devenir savoir que pour les enfants qui ont chez eux la possibilité d'investir en situation ce qu'ils apprennent ; il reste scolaire, clos sur lui-même et sans efficacité pour les autres.
    Celui qui a appris à lire par le seul moyen du déchiffrement aura toujours du mal à se passer de ce délettrement. Sa prise d'information risque de rester lente, inopérante, inefficace et il abandonnera vraisemblablement cet outil que l'école n'a pu lui donner et parfois même pour lequel il éprouve bien des ressentiments.
    Lire, un processus complexe.
    L'apprentissage de la lecture est une activité cognitive complexe qui se poursuit tout au long de l'existence, dès les premiers mois jusqu'à lâge adulte. De la lecture de quelques mots à 2 ans, le lecteur parvient, à l'âge adulte, à des lectures " à géométrie variable " c'est-à-dire souples et variées. Cette activité complexe se caractérise, en tout temps, par une recherche active de signification en fonction du contexte et des indices linguistiques ( ordre des mots, marques d'orthographe, verbales, ... etc ... ) et paralinguistiques du texte ( mise en page, grosseur, type et couleur des caractères, ponctuation ). Lire est une activité infiniment plus complexe que celle consistant à identifier successivement les segments constitutifs de l'écrit pour en tirer une signification.
    Tout porte à croire que " la machine mentale " tient un rôle bien plus important que celui qui lui est reconnu dans les modèles classiques et qu'elle ne se contente pas, ainsi qu'on le dit généralement, d'un enregistrement suivi d'une traduction des données perceptives ce qui serait du niveau du réflexe conditionné. En réalité, le lecteur sélectionne les informations visuelles en fonction d'hypothèses qu'il s'est données sur le contenu du texte et, au départ de cela, opte pour une signification. Lire ne consiste pas à aller du texte à sa signification mais au contraire à faire des hypothèses sur une signification possible puis à vérifier ces hypothèses dans le texte. Un lecteur accompli n'a pas à tourner la page pour achever sans hésitation une phrase comme : " Le coq, l'oie, le bélier et le chat vécurent long...... ".
    L'anticipation n'est donc pas le fruit du hasard. Elle mobilise au contraire toute l'expérience du lecteur : expérience linguistique, expérience du texte en fonction du " déjà lu ", expérience du monde et dans ce cas particulier, expérience sociale. L'anticipation est favorisée par l'idée que se fait le lecteur du contenu probable du texte grâce aux informations dont il dispose : informations sur le sujet traité, informations sur l'auteur, informations sur les conditions dans lesquelles l'écrit a été produit.
    La psychologie vient encore renforcer l'importance de l'anticipation lorsqu'elle explique : " Une part importante de l'interprétation des données sensorielles provient plutôt de notre connaissance de ce que doit être le signal que de l'information contenue dans le signal lui-même. Cette information supplémentaire provient du contexte lié à l'événement sensoriel. Cette quantité importante d'information accumulée et utilisée continuellement pour comprendre les événements constitue ce que l'on appelle le contexte de ces événements. La capacité de tirer profit du contexte rend le système perceptif humain beaucoup plus souple et nettement supérieur à tout système électronique de reconnaissance de formes inventé jusqu'à maintenant. Les effets du contexte sont faciles à illustrer. Nous percevons les images plus rapidement et plus aisément lorsqu'elles ont un sens, que si elles sont simplement décoratives. La lecture et la mémorisation de lettres deviennent beaucoup plus difficiles si celles-ci sont présentées au hasard dans une série sans signification, - sndeacaulx - que si on les dispose selon un ordre significatif - scandaleux. Il en est de même lorsque les lettres peuvent former des mots significatifs. Il convient encore d'ajouter que, pour tirer plein avantage de l'information découlant du contexte, la perception doit se laisser devancer par l'information provenant des systèmes sensoriels. La perception d'un mot est facilitée non seulement par les mots qui le précèdent mais aussi par ceux qui le suivent. Ce décalage entre la réception d'une information sensorielle et l'interprétation finale du message est un aspect important de la structure de notre analyse perceptive. Lorsque nous lisons tout haut par exemple, nos yeux devancent sensiblement la partie du texte verbalisé. Un dactylographe bien entraîné lit son texte bien au delà de la partie qu'il est en train de taper. Nous cherchons à rassembler le plus d'information contextuelle possible avant de passer à l'exécution des réponses exigées par ce que nous faisons. Plus nous prévoyons ce qui va arriver, plus il est facile de percevoir l'immédiat.
    Lire, c'est enfin une manière de comprendre.
    Dans un texte, le lecteur découpe des ensembles significatifs. Ceux-ci s'ajoutent les uns aux autres, dans une organisation que dirige l'anticipation du sens total de la phrase. Lorsque l'anticipation fonctionne bien, la perception, la reconnaissance ne se fait plus parmi les milliers de mots disponibles dans la mémoire du lecteur mais eulement parmi les mots possibles, d'après le contexte déjà compris et l'anticipation de ce qui va suivre. La lecture est donc un acte prospectif dans lequel le lecteur émet des hypothèses, les vérifie, les confirme ou les rejette. C'est finalement une aventure intellectuelle : on comprend toujours à partir de ce qu'on croit avoir compris ... tout en s'apprêtant à comprendre autrement !!!
    Il faut habituer l'enfant à émettre, au départ de ce qu'il a déjà compris, des hypothèses concernant la suite de la lecture. Il est donc nécessaire de développer les différentes aptitudes demandées au lecteur ( perception visuelle, perception d'indices et compréhension ) dès l'école maternelle. Le bon lecteur ne fait pas de l'enregistrement mais du traitement d'information.
    Les indices pertinents ou l'anti-déchiffrage.
    La qualité d'indice est attribuée au résultat de la mise en relation de ce qui est perçu avec ce qui est connu. Dès lors, on comprend aisément que plusieurs lecteurs, ayant nécessairement des expériences différentes, ne vont pas utiliser les mêmes indices, ou plutôt, ne vont pas transformer en indices les mêmes détails. En fait, ces indices sont de divers ordres :
    1. D'abord, le lecteur sera amené à utiliser des repères " grapho-phonétiques " qui lui permettront de deviner les mots grâce à un minimum d'informations visuelles ; le plus souvent, la longueur des mots ou la première lettre.
        EX. : Lecture des prénoms à la maternelle. Dans un classe de 1ère maternelle où tous les prénoms des enfants sont simples ( Noah - Jean - Adrien ...... ), Charles-Edouard n'aura aucun souci lorsqu'il devra retrouver son " étiquette " parmi toutes les autres. Les soucis commenceront pour lui lorsque le nouvel arrivant s'appellera Jean-Christophe.
    2. Ensuite, viennent les indices syntaxiques et les indices lexicaux. Les indices lexicaux comprennent des mots familiers et d'autres identifiés en fonction du sens déjà construit au départ d'une information limitée. Ces indices lexicaux renseignent le lecteur sur la pertinence de sa prévision.
        EX.1. On parle d'un accident de circulation sur une route de campagne ..... l'identification du mot " tracteur " est pertinente par rapport à ce qui vient d'être lu et relance l'anticipation .... il en aurait été tout autrement si le lecteur avait cru reconnaître " traction " ou " traiteur ".
        EX. 2. L'enfant qui confond " donne " et " bonne " lit sûrement des mots ou des phrases qui n'ont aucun sens. Lorsqu'on lit pour chercher du sens, on ne confond pas " donne " et " bonne ", car le contexte rend cette confusion impossible ( Frank Smith - La compréhension et l'apprentissage - HRW - 1975 et " Comment les enfants apprennent à lire - Retz - 1980 ").
    La pertinence des indices ne peut donc être définie que par rapport au projet de lecture.
    En synthèse partielle.
    Nous dirons qu'il ne suffit pas d'être en contact avec les livres pour avoir envie de les découvrir. Certains enfants ont besoin d'une initiation particulière qui, surtout quand elle n'est pas dispensée par la famille, doit être donnée par l'école.
    Nous ajouterons que beaucoup d'élèves ne perçoivent pas l'utilité et l'intérêt de la lecture. Pour ceux-là, la lecture ne paraît pas avoir d'utilité en soi, c'est simplement " une activité scolaire " !!! Nous sommes sur ce point en parfait accord avec Alain Bentolila lorsqu'il écrit : " Beaucoup d'enfants entament l'apprentissage de la lecture avec deux handicaps majeurs : leur langage pauvre, mal structuré n'est porté par aucune ambition de communication ; en outre, ils ne savent pas pourquoi ils doivent apprendre à lire. Ajoutons-y un manque total d'intérêt pour la chose écrite, né sans doute d'une absence de modèles et d'exemples au sein de leur famille. Ils ne savent ni à quoi ça sert ni comment cela fonctionne. Ils savent qu'ils doivent apprendre à lire pour faire plaisir à ......, pour devenir grands ....., mais ils ne perçoivent rien d'autre que l'obligation de cet apprentissage ".
    Pour faire sentir à ces enfants l'intérêt et l'utilité de la lecture ( s'informer, être informé, se distraire, distraire les autres, enrichir sa propre expérience, enrichir les autres, ..... ), les enseignants ont le choix entre deux conceptions et, par là, entre deux types d'action :
    1. Considérer que lire, c'est aborder sans difficulté, et de la même façon, n'importe quel texte écrit - équivaut à considérer la lecture comme la somme des mécanismes qui, une fois mis en place, peuvent être appliqués à tout matériel écrit. Cette conception conduit l'enseignant à choisir une méthode basée sur l'apprentissage " technique " et sur une participation assez limitée des enfants qui reçoivent passivement l'information.
    2. Considérer que lire, c'est s'efforcer de pénétrer le sens d'un texte qu'on a choisi de lire, en usant tour à tour de moyens divers : épeler, reconnaître globalement, tirer parti du contexte, survoler, scruter ..... Autrement dit, le lecteur adapte ses stratégies en fonction de la nature et de la présentation du texte et en fonction de son projet personnel de lecture. Cette conception conduit l'enseignant à choisir une approche de la lecture basée sur l'engagement des enfants et sur leur participation active puisu'ils lisent en fonction de leur intention et en fonction de la situation à vivre ..... C'EST LA LECTURE FONCTIONNELLE.
    Quelles sont les situations fonctionnelles de lecture qui peuvent se présenter .
    Lire pour se distraire : lecture de contes, d'aventures, de B.D.
    Lire pour distraire : lecture d'une histoire par un enfant, pour un groupe d'amis qui ne connaissent pas cette histoire.
    Lire pour s'informer : lecture d'affiches, catalogues, programmes T.V., revues, lettres, encyclopédies, journaux, dictionnaires .....
    Lire pour informer : lecture à voix haute d'informations que le lecteur est seul à posséder.
    Lire pour agir : lecture de modes d'emploi, de recettes, de règlements de jeux .....
    Lire pour comprendre, apprendre, choisir : trouver les réponses à ...., la solution à ...., ici, le sens à construire est déterminé par le questionnement qui a motivé la lecture.
    !!!!!! Tout dépend de mon projet de lecture :
              Si ce projet s'arrête à moi, alors je suis en situation de lecture / expression.
        *  Si ce projet débouche sur autre chose que moi et autre chose que le texte, alors je suis en situation fonctionnelle même s'il s'agit du même texte.
    La classique lecture expliquée est une des contradictions dont le prix est le désintérêt des enfants : je ne peux être en situation de lecture littéraire et d'expression si je dois répondre ( et par écrit ) à des questions de contrôle sur le texte.
    Compte tenu de ces fonctions différentes de la lecture, on peut dégager des objectifs pédagogiques essentiels :
    *  Donner à l'enfant l'envie, le goût, le plaisir de lire.
    *  Apprendre aux élèves à lire silencieusement, avec économie et efficacité.
    *  Obtenir des enfants une lecture orale correcte, compréhensible par autrui.
     Une autre définition de la lecture.
" Lire, ce n'est pas trouver le sens de, c'est apporter du sens à ... ".
    La lecture est un processus sélectif qui implique l'utilisation de repères linguistiques minima utiles et sélectionnés à partir de la perception sur base d'une attente du lecteur déterminée par son expérience antérieure ; expérience linguistique, contextuelle, psychologique, sociale et culturelle c'est-à-dire le contexte. interviennent donc dans le processus diverses habiletés et compétences qui " interagissent " dans un système de relations fort complexe. Notre ignorance reste grande en ce qui concerne les mécanismes d'interaction des différentes composantes. On est toujours réduit aux hypothèses quant au rôle exact joué par la mémoire, un rôle dont chacun pressent l'importance.
    Cependant, nos connaissances sur la façon dont le cerveau fonctionne et, par conséquent, sur la façon dont une personne apprend ont beaucoup évolué grâce surtout aux progrès réalisés dans les sciences cognitives et les neurosciences. De la même manière qu'il est impossible d'imaginer un médecin qui refuserait de prendre en considération les découvertes de la biologie pour soigner les malades, il est impensable que les enseignants ne cherchent pas à intégrer à leur pratique les découvertes des sciences cogniives et des neurosciences pour faire apprendre leurs enfants. A l'heure actuelle, nous disposons de suffisamment d'informations pour orienter l'action pédagogique vers une efficacité accrue. Il apparaît dès lors qu'une pédagogie efficace de la lecture ne peut être ramenée aux seules dimensions d'une méthode, c'est-à-dire réduite à un nombre limité de pratiques mais qu'au contraire, elle doit s'inscrire dans le contexte d'une éducation globale sous-tendue par une véritable " philosophie éducative ". ( Voir la rubrique les théories de l'apprentissage ".
     NOTRE PEDAGOGIE.
    L'apprentissage fonctionnel de l'écrit.
    S'approprier l'écrit c'est avant tout vivre des situations authentiques de communication. C'est dire que cet objectif d'appropriation ne sera vraiment atteint que si le recours à l'écrit apparaît comme absolument indispensable au " fonctionnement " du groupe .... à l'instar de ce qui se passe dans la vie. En fait, nous préconisons l'approche fonctionnelle de l'écrit parce qu'elle :
    1. Propose aux enfants des situations où l'écrit a du sens pour eux, où la compréhension du sens de cet écrit leur permet de résoudre un problème.
    2. Confronte les enfants aux différentes grandes fonctions de l'écrit : information, communication, plaisir.
    3. Initie les enfants à la connaissance spécifique du langage écrit.
    Dès lors, la dominante de notre pédagogie est l'apprentissage au sens actif du terme c'est-à-dire qu'apprendre est avant tout l'affaire de l'apprenant lorsque à l'intérieur d'une situation il tente d'adapter sa réponse ou d'adopter une nouvelle réponse. L'apprentissage est un procesus de changement intérieur à l'apprenant, lié à une action pour faire évoluer un comportement. L'apprenant établit donc des liens entre les nouvelles connaissances et celles qu'il a déjà en vue d'une réalisation qui correspond à l'objectif de l'apprentissage. Il modifie ainsi ses représentations. Dans ce processus, l'apprenant est naturellement actif tant intellectuellement que physiquement pour manipuler, comparer, rassembler, dessiner, écrire, chercher, analyser, discuter, s'interroger, réfléchir ... actions qui, par ailleurs, sont partie intégrante de notre approche fonctionnelle de l'écrit. Ainsi, apprendre ne signifie pas mémoriser, mais comprendre ; cela ne signifie pas répétition mais modification dans les attitudes. Dans cette optique, apprendre n'est pas relié aux mots, mais au sens.
    A ce moment de notre réflexion, il nous paraît opportun d'établir la distinction entre d'une part les activités d'apprentissage et d'autre part, les activités d'enseignement afin que le lecteur perçoive davantage encore notre philosophie éducative.
    Activités d'apprentissage : c'est l'enfant qui construit son savoir, ses compétences avec l'aide des autres. En dehors de l'école, tout conduit à la lecture : le nom d'une rue, une affiche, un emballage, un journal, un tract, un livre ... A l'école, les activités scolaires doivent obliger les enfants à lire les noncés, les consignes ......
    Activités d'enseignement : c'est le maître qui élabore, construit, inocule le savoir à des enfants relativement passifs !!!!
    Apprendre à lire en situation de lecture.
    L'enfant n'apprend vraiment à lire que si dès le début, il se trouve dans la position du lecteur adulte : écrit signifiant, recherche d'information(s) ou de plaisir, possibilité de choisir une approche adaptée aux besoins : lecture intégrale, lecture sélective, lecture repère .... et soyons persuadés que c'est parce qu'il lit que l'enfant apprend à lire et son activité est de lire et non pas d'apprendre à lire et cela même si, dans un premier temps, il ne peut encore que s'essayer à lire car essayer de lire c'est déjà lire quand on ne sait pas.
    Il n'y a donc pas un " apprendre préalable ", une sorte d'entraînement conditionnant la vraie lecture. Exercer l'enfant au déchiffrement au lieu de la mettre en situation de lire réellement c'est lui faire acquérir un comportement qui n'a rien à voir avec le comportement final attendu, c'est risquer de retarder la lecture voire de la compromettre. Jean Foucambert fait une comparaison des plus judicieuses lorsqu'il écrit à son tour : " L'enfant que l'on fait rouler sur une bicyclette avec une petite roue de chaque côté apprend à faire de la bicyclette avec une petite roue de chaque côté !!! il n'apprendra à rouler à bicyclette que lorsqu'il roulera à bicyclette ".
    Et les prérequis ?
    Des recherches ont accrédité l'idée que pour réussir leur apprentissage de la lecture, les enfants devaient avoir acquis une certaine maturité. Sur cette croyance, des batteries prédictives ont été élaborées. Sans vouloir nier l'importance, capitale à nos yeux, que représente dans le développement, la maîtrise du schéma corporel, l'organisation temporelle et spatiale ainsi que l'accession à la fonction symbolique nous ne pouvons pour autant admettre que sur base d'épreuves standardisées de ce genre, des enfants soient retardés dans leur apprentissage de l'écrit ou pire encore dévoyés vers des classes spéciales destinées à accueillir des élèves en difficulté et cela avant même de s'être essayés à la lecture. Alain Bentolila ajoute, pour sa part : " il ne s'agit pas de tomber dans le travers de ce que l'on appelle les " prérequis " ; ce terme laisse entendre qu'un enfant doit avoir acquis un certain nombre de compétences avant qu'on l'autorise à avoir quelque contact que ce soit avec l'écrit ; une conception aussi mécaniste est à la fois fausse et dangereuse ".
    Nous sommes, pour notre part, convaincus qu'il n'existe aucun préalable à l'apprentissage de la lecture dans la mesure où on est tolérant à la différence. Nous rejoignons ainsi d'autant mieux Frank Smith lorsqu'il écrit : " Pour apprendre à lire, il ne faut ni talents spéciaux ni développement particulier du cerveau. Tout enfant capable de distinguer un visage d'une autre photographie et de comprendre le langage de ses proches est capable d'apprendre à lire ". En effet, il n'existe aucune preuve qu'une zone particulière du cerveau soit seule responsable de l'acte de lecture. Alain Bentolila corrobore encore notre affirmation lorsque, faisant référence à L.S. Siegel, il écrit à son tour : " Si une intellignece élevée était une condition nécessaire pour maîtriser la lecture, il devrait alors être impossible de trouver de bons lecteurs parmi les Q. I. faibles ; or, il a été démontré que des enfants de faible quotient intellectuel étaient tout à fait capables d'apprendre à lire et lisaient plus tard de façon tout aussi satisfaisante que des enfants de Q.I. élevé ".
    Nous voudrions utiliser une analogie pour illustrer davantage encore notre propos. Pour un enfant de six ans, l'apprentissage de la lecture ne constitue pas une tâche plus difficile que celle de la conduite d'une bicyclette. Pensez-y, se maintenir en équilibre c'est-à-dire gérer son déséquilibre et se propulser sur deux roues !! ... quelle complexité !!! ... Pourtant tous les enfants, ou presque, parviennent à la maîtriser rapidement, cela sans cours bien structurés ni méthode longuement expérimentée. L'enfant belge de six ans a la maturité psychologique et intellectuelle requise pour aborder sans problème l'apprentissage de la lecture : il a appris à parler, à s'exprimer de toutes les façons ; il a maîtrisé de nombreuses habiletés ; il a fait une foule d'expériences et a acquis un grand nombre de connaissances sur des sujets variés. C'est là un bon bagage sur lequel il peut compter pour aborder l'apprentissage de la lecture.
    Rien donc n'indique qu'il ne peut apprendre à lire. Et pourtant entre 10 et 20 % des élèves d'une classe régulière ne réussissent pas à maîtriser l'apprentissage de la lecture. Comment expliquer ce gâchis ? D'une seule façon : ces élèves s'ils peuvent apprendre à lire, ne le veulent pas vraiment, malgré les apparences, en dépit des pressions qui s'exercent sur eux en ce sens. S'ils ne le veulent pas, c'est que l'école n'a pas de sens pour eux, ( voir la rubrique les théories de l'apprentissage et la notion de sens ) et par conséquent l'apprentissage de la lecture, de l'écriture ou de la mathématique non plus. Le petit nombre d'enfants qui n'apprennent pas à monter à bicyclette sont ceux qui ne trouvent aucun intérêt, aucune motivation à le faire. Pour apprendre à aller à bicyclette, il faut d'abord en enfourcher une ... librement ... avec la motivation nécessaire pour percer le mystère de l'équilibre sur deux roues : répéter et répéter les essais, chuter, s'érafler les genoux, subir la moquerie .... et ouf ! soudain comme par magie ça roule le pari est gagné ! L'apprentissage peut durer quelques semaines et les résultats immédiats sont souvent imperceptibles. La réussite est soudaine, éclatante, comme une " éclosion ". Il est possible, par une observation attentive, de reconnaître le moment de cette éclosion au jour près ! Une joie sans nom illumine le visage et les yeux de l'enfant ... la clé est dans la porte ... qui s'ouvre ....
    Le rôle de l'école.
     Ce que nous avons dit pourrait faire croire que le rôle de l'école est des plus réduits dans l'apprentissage de la lecture et qu'il suffit de bonnes conditions pour que l'enfant développe seul une compétence lexique. Que le lecteur se rassure : nous disons avec Frank Smith que le maître a un rôle important à jouer pour aider l'enfant à apprendre à lire, mais ce rôle consiste rarement à imposer à l'enfant ce qu'il doit apprendre et quand. Que le lecture se rassure encore : l'action pédagogique a toujours sa raison d'être, nous sommes tentés d'écrire : plus que jamais, eu égard au fait que la motivation ne peut être considérée comme uniquement de la responsabilité des enfants surtout quand ils sont jeunes ( voir Roland Viau - La motivation en contexte scolaire - De Boeck - 1997 ) ; eu égard encore à l'importance de l'écrit dans la vie. En effet, tout qui s'occupe peu ou prou de lecture sait que la plupart de nos actions sont d'abord régies par une démarche de lecture.
    Roland Viau ( 1954 - ...... ). Professeur et écrivain québécois, il a obtenu un baccalauréat en histoire de l'Université Laval, une maîtrise en anthropologie et un doctorat dans la même discipline de l'Université de Montréal.

Il est professeur titulaire à la faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke depuis 1987 où il dirige le Diplôme 3ème cycle en Pédagogie de l'enseignement supérieur. Ses travaux en planification de l'enseignement l'ont amené à orienter sur recherches sur les caractéristiques individuelles des apprenants, plus particulièrement sur leur motivation à apprendre. En plus d'avoir publié de nombreux ouvrages dont le plus connu est la " Motivation en contexte scolaire ", il a travaillé fréquemment auprès des enseignants en perfectionnement pour les aider à tenir compte, dans leur enseignement, des caractéristiques cognitives et affectives de leurs apprenants. Ses derniers travaux de recherche portent sur les problèmes de motivation que plusieurs chercheurs scientifiques rencontrent dans leur formation scolaire et les moyens qu'ils utilisent pour persévérer et devenir des sommités dans leur domaine.
    * Alain Bentolila décrit très bien cette situation et nous lui emboîtons aisément le pas : " Le citoyen est sans cesse sollicité par de l'information écrite :dans les gares, les métros, les aéroports ..., il faut pouvoir lire horaires et destinations ; les banques, les Agences pour l'Emploi, les bureaux de poste .... utilisent l'information écrite, sous forme d'affiches ou de prospectus. Le citoyen d'aujourd'hui doit accomplir une multitude d'actes de lecture et d'écriture pour sa survie sociale. Si on a le loisir de téléphoner à ses amis plus qu'on ne leur écrit, les échanges de courrier liés à la gestion de la vie domestique sont en revanche nombreux et importants ".
    * Eveline Charmeux vient à son tour renforcer cette idée  en écrivant : " Le développement des techniques de toutes sortes et notamment de communication, font de l'activité lecture, l'activité essentielle de la vie quotidienne : manger, se faire soigner, prendre le métro, nettoyer ses pulls et ses sols, tout cela requiert des activités de lecture. Même pour téléphoner, il faut savoir lire, pour se diriger dans la rue, pour faire ses achats, ... etc ... Plus se développent les techniques d'automatisation et plus la nécessité de construire du sens sur des indices écrits est grande ".
    Eveline Charmeux ( 1932 - ...... ). Ancienne élève de l'Ecole Normale Supérieure et agrégée de grammaire classique, elle a consacré toute sa carrière à la formation des enseignants, instituiteurs et professeurs de collèges.
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C'est ainsi qu'elle fut formateur d'eseignants et professeur d'école normale, d'abord à Amiens puis à Toulouse. Eveline Charmeux est aujourd'hui " professeur honoraire " et se consacre encore et toujours au militantisme pédagogique et à la lecture. Elle fut pendant 25 ans chercheur associée à l'Institut National de Recherche Pédagogique de Paris où elle a travaillé sur l'enseignement de la lecture, de l'orthographe et de l'écriture. Toutes ses recherches ont été menées dans les classes, avec les apprenants eux-mêmes. Il s'agissait de " recherche-action " dont l'objectif n'était pas de définir des théories mais de construire des pratiques. Au contact des apprenants, elle a pu acquérir la ferme conviction que seul un apprenant actif dans ses apprentissages peut apprendre.
    Plus que jamais eu égard enfin à la nécessité de doter chacun d'un savoir-lire réel quelle que soit son origine culturelle. Le rôle de l'école est d'autant plus important que la maîtrise de l'habileté à lire est le gage le plus sûr de la réussite de l'enfant dans toutes les matières du programme scolaire. En définitive, le savoir-lire, c'est le savoir-apprendre tout court. La lecture a une fonction instrumentale.
    Pour atteindre cet objectif, la démarche pédagogique doit se démarquer de la tradition et s'inspirer des recherches actuelles dans les domaines de la phonologie, de la psycho-linguistique et doit mettre l'enfant dans des conditions d'apprentissage appropriées.
    Mais quelles sont ces conditions ?
    D'abord, il faut de la certitude. Avant toutes choses, tous ceux qui ont un rôle à jouer dans l'apprentissage de la lecture ( directeur d'établissement - enseignants - parents ) doivent partager la certitude que tout enfant peut maîtriser cet apprentissage rapidement. Doute-t-on de la capacité d'un enfant d'apprendre à monter à bicyclette ? Des parents ont-ils jamais, ne fut-ce qu'un instant, douté que leur enfant ne pourrait pas apprendre à parler, ne pourrait pas apprendre à marcher ? ... et d'ailleurs leur ont-ils vraiment appris .... et pourtant !!! Pourquoi craindre alors qu'il ne puisse apprendre à lire ? Le doute, même camouflé, sape la confiance de l'enfant et déforme l'image qu'il a de liu-même, surtout si cette image n'est déjà pas reluisante. Il semble en effet que l'inquiétude et l'angoisse soient des obstacles majeurs à l'apprentissage et qu'une image négative de soi constitue un empêchement.
    Les différences individuelles en ce qui concerne l'intelligence, celle qu'on teste, ne peuvent être mises en doute. Mais ces différences n'expliquent pas, et surtout ne doivent pas être prises comme la cause, la difficulté d'apprendre à lire. Le prétexte de la carence intellectuelle ou affective est simpliste. Il faut à tout prix éviter de tomber dans ce piège tendu par nos préjugés et souvent re-tendu par des recherches pseudo-savantes. Nous pensons volontiers que la certitude sereine, pas béate, pas fleur bleue, qu'un enfant puisse apprendre à lire est le gage de son succès sur tous les plans.
    Ensuite, il faut du sens. On réussit à vaincre les obstacles que présente un apprentissage lorsque cet apprentissage a du sens, lorsqu'on en comprend l'intérêt et l'utilité. L'enfant qui supplie ses parents de lui payer une bicyclette a compris l'intérêt qu'il a à maîtriser la conduite de ce véhicule : autonomie et rapidité de déplacement plus considérables, désir de se mesurer à ses pairs, fierté anticipée de relever le défi de l'équilibre ... L'échec, dans ce cas, est improbable, voire impossible pour tout enfant physiquement normal, même pour celui qui souffre d'un handicap.
    Pour des raisons diverses, qu'il est inutile d'énumérer et de commenter puisqu'elles appartiennent à l'histoire, domaine de l'indéniable, un enfant peut arriver à l'école sans comprendre le rôle que joue cette dernière, le sens des choses qui s'y passent tel que l'apprentissage obligatoire de la lecture. Si l'enfant ne voit aucun intérêt immédiat et pratique pour cet apprentisage, il ne peut l'aborder avec l'intérêt nécessaire à sa maîtrise. Une fois cet enfant identifié, il est urgent, avant toutes choses, de lui faire comprendre le sens de l'école et des apprentissages qu'on va lui demander de réaliser. Les moyens à employer pour atteindre cet objectif sont la plupart du temps fort simples :
   * Lire silencieusement des histoires captivantes en y réagissant afin de provoquer les réactions des enfants.
   * Faire reconstituer le contenu d'un texte à partir des illustrations.
   * Avoir recours à l'écrit pour toutes circonstances problématiques.
   * Se servir d'un livre, d'un journal, d'un écrit pour trouver la réponse aux questions que l'on se pose même si c'est, dans un premier temps, par adulte interposé ( situations fonctionnelles ).
   * Aborder des thèmes et des sujets qui suscitent des questions et faire la démonstration que les livres apportent des réponses à ces questions.
    Bain d'écrits dans tous les sens du sens qui peut durer dix, quinze, vingt jours ou plus, ce temps n'est pas perdu, plutôt qu'exercices de décodage, de répétition de syllabes sans signification, de reconnaissance de mots, de correspondance qrapho-phonétique .... Ces exercices sont inutiles, voire nuisibles parce que rebutants, tant que la lecture n'a pas de sens pour l'enfant.
    Si on donne à croire à l'enfant qu'apprendre à lire, c'est juxtaposer des syllabes, il peut se cramponner fermement à cette croyance. Quelle tristesse d'observer un enfant qui, après huit ou neuf mois d'apprentissage, s'adonne à cet exercice fastidieux inversant lettres et syllabes dans un désordre sans nom !!! Ne serait-ce pas là l'origine de ce qu'on nomme dyslexie ?Initier les enfants au sens véritable de la lecture, les amener à comprendre que cette habileté est un immense jeu de résolution de problème est la condition sine qua non de la maîtrise de cette habileté.
    Enfin, il faut de la méthode et des moyens. Il n'existe pas de méthode éprouvée pour apprendre à lire. L'auteur d'une telle méthode ferait des affaires d'or !!! Cependant, nous sommes convaincu que notre approche fonctionnelle conduit à un apprentissage efficace de la lecture car, en tout premier lieu, elle prend en considération l'enfant. Effectivement, tout au long de sa pratique, notre approche :
   * Tient compte des acquis psychomoteurs et du faible pouvoir d'abstraction de l'enfant de six ans. Or traduire un graphème par un phonème relève de l'abstraction la plus totale et le geste même s'il est une aide à la maîtrise de cette association n'a pas le retentissement affectif et concret que le contexte et la situation vécue pourraient offrir.
   * Respecte l'enfant dans ce qu'il vit, dans son langage, dans son environnement, dans ses besoins. Que de mots, que de phrases et de textes ne font vibrer aucune corde sensible chez l'enfant !!
   * Insère toujours l'activité de lecture dans la vie de la classe permettant ainsi de vivre de réelles situations de lecture mettant en jeu de vrais objets à lire tels que les journaux, les affiches, les bandes dessinées, les publicités toute boîte, les livres ... L'approche fonctionnelle que nous préconisons n'est donc jamais une activité isolée, gratuite.
   * Respecte encore les acquis antérieurs de l'enfant en lecture, car, qu'on le veuille ou non, il a déjà commencé son apprentissage. En effet, l'enfant qui arrive à l'école a des acquis en matière de lecture. L'écrit qui partout l'environne depuis sa naissance : le nom des rues, les médicaments, les jouets, l'écran de télévision, les étalages des magasins, les indications routières, les menus au restaurant, les choix proposés par le marchand de glace sont porteurs de messages écrits sur lesquels il a construit des repères. La tâche de l'enseignant est de faire évoluer cette construction, non de lui en substituer une autre parce qu'apprendre, c'est faire évoluer des acquis , et non combler des lacunes ou des manques.
   * Observe et stimule les apprentissages individuels de chaque enfant ; elle dose les activités de lecture totale et les exercices de structuration selon les progrès des enfants mais contrairement à ce qui se pratique généralement elle ne réserve pas les moments plus fastidieux pour les enfants en difficulté.
     En second lieu, notre approche fonctionnelle est fondée sur de solides critères d'efficacité. En effet :
   * Elle se montre, sur le plan technique, plus que prudente, voire méfiante vis-à-vis de toute activité gratuite de déchiffrement. Une lettre, une syllabe n'ont de valeur que dans un mot, un mot lui-même inséré dans un contexte le plus large possible.
   * Elle aide, soutient l'enfant dans sa mémorisation visuelle de mots, mieux, de groupes de mots de plus en plus larges. Elle élargit au plus vite son angle de vision, entraîne son oeil aux déplacements rapides plutôt qu'à le laisser batifoler de syllabe en syllabe le long de la ligne. Elle l'habitue encore à attendre certains mots, à anticiper dans un certain contexte.
   * Elle fortifie les capacités de l'enfant à émettre des hypothèses et à les vérifier en le faisant lire, lire encore, lire beaucoup, des écrits divers pour élargir au maximum le champ de ses connaissances, de ses expériences lecturielles.
    En troisième lieu, notre approche fonctionnelle mène de front l'apprentissage de la lecture et l'apprentissage de l'orthographe en :
   * Permettant à l'enfant de mémoriser graphiquement des mots et des groupes de mots en ayant soin d'éviter tout empressement car il peut y avoir décalage considérable entre la capacité à reconnaître globalement un mot - orthographe passive - et la capacité à le produire manuscritement - orthographe active. L'oeil est en effet plus rapide que la main et l'une ou l'autre lettre peut être délaissée par le crayon tout à fait à l'insu de l'enfant.
   * Encourageant la pratique des exercices d'insertion de mots dans des groupes, dans des phrases pour aider l'enfant à pendre conscience des unités-mots car en fait, à l'écrit, un mot commence et se termine par un blanc. Or, confiant en son oreille, lorsqu'il les écrit, il peut agglutiner aléatoirement certains mots. On comprendra aisément ici l'aspect négatif de l'oralisation à outrance engendrée par le déchiffrement.
     Quant aux moyens utilisés, ils sont plus efficaces que d'autres. La technique de lecture mosaïque qui consiste à faire reconstituer un texte par les enfants à partir des mots qu'ils peuvent reconnaître dans ce dernier, est un de ceux-là. La technique de lecture matricielle qui consiste à faire découvrir la trame et les épisodes d'un récit à partir de quelques mots-clés qu'on y a tirés, en est un autre. La technique des textes lacunaires ou tests dits de closure appliqués à l'enseignement en est un troisième.
    Le premier moyen, la technique de lecture mosaïque, permet d'amener l'enfant à tenir compte simultanément des quatre façons d'aborder l'écrit : l'entrée graphique ( signes : lettres et syllabes ) ; l'entrée grammaticale ( marqueurs d'accords ) ; l'entrée syntaxique ( agencement des mots dans la phrase ) ; l'entrée sémantique ( sens véhiculé dans les syntagmes et les phrases ). La spécificité de cette technique réside dans le fait que c'est l'entrée sémantique qui est mise au premier plan. Ce qui est demandé à l'enfant c'est de re-créer le sens du texte à partir de ce qu'il connaît déjà. Il peut bien sûr s'aider, en cas de besoin, des indices d'ordre inférieur, les conventions syntaxiques, grammaticales et graphiques. La technique de lecture mosaïque permet, entre autres à l'enfant de prendre conscience que tout texte est redondant, ce qui est de nature à le conforter.
    Le deuxième moyen, la technique de lecture matricielle, permet à l'enfant de se rendre compte qu'il est possible de faire des hypothèses très justes ( anticipation - prédiction ) quant au contenu d'un récit ( déroulement - événements ) si l'on en connaît les mots-clés. Cela est de nature à le convaincre que la lecture est essentiellement un jeu d'hypothèses à confirmer et qu'il est possible de faire des hypothèses justes, sur la base des connaissances qu'on possède à partir d'indices peu nombreux. Autrement dit, à lui donner confiance en ses moyens : mettre à profit ses expériences et ses connaissances du monde.
    Quant à la technique des textes lacunaires, de plus en plus répandue, elle contribue aussi à encourager l'enfant à anticiper, c'est-à-dire à compléter l'inconnu à partir du connu, ce qui constitue l'esence de l'habileté à lire.
     In fine, il faut de l'organisation. Si l'on considère l'apprentissage de la lecture comme une affaire prioritaire et urgente, il y a peut-être lieu de prendre des mesures appropriées, sur le plan notamment de l'organisation. Si le calendrier-horaire des cours de l'école, lequel reflète généralement de façon fidèle le programme pédagogique, constitue un carcan, n'est-il pas permis de le secouer un peu ??? N'est-il pas possible d'empiéter, de façon temporaire pour les trois-quatre premiers mois de la première année du primaire, sur le temps alloué aux autres matières ? Quitte à rembourser ce temps au cours des six mois suivants. Une fois que tous les enfants ou à peu près ont maîtrisé l'habileté à lire, les objectifs de la mathématique, des arts et des sciences peuvent être poursuivis de façon plus rapide et plus efficace. Personne n'y perdrait au change bien au contraire !!!!
 Notre approche devrait, quant à elle, tourner, à des degrès divers, autour des axes suivants pour construire un texte de base, de référence.

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